Outre les traitements médicamenteux et les psychothérapies, l’hygiène de vie est un point fondamental de la prise en charge à long terme des troubles bipolaires.
Tous les spécialistes insistent sur ce plan car les médicaments seuls ne peuvent pas redonner miraculeusement une vie totalement « normale » sans la participation active du patient.
Cette hygiène de vie concerne essentiellement le sommeil, la consommation d’alcool et de drogues, la prise de certains médicaments, les activités « stressogènes ».
Le sommeil
Classiquement les épisodes maniaques commencent par une diminution du besoin de sommeil, à différencier de l’insomnie banale ou le patient à envie de dormir mais n’y arrive pas.
Les épisodes dépressifs généralement donnent envie au patient de rester au lit même si la qualité du sommeil est, là aussi, perturbée.
Au delà de ces symptômes le manque de sommeil peut induire à lui tout seul le déclenchement d’un épisode maniaque. Il est donc capital de gérer son sommeil.
Quelques petits conseils qui peuvent paraître dérisoires sont cependant très profitables si on les respecte :
- Ayez au moins 7 heures de sommeil par nuit.
- Levez vous et couchez vous à heures régulières quelles que soient les circonstances (week-end, voyages, fêtes nocturnes…). Respectez vos propres cycles nycthéméraux (alternance jour/nuit).
- Évitez grasse matinée et sieste.
- Votre chambre doit être exclusivement un espace à dormir. Pas de bruit (fenêtre double vitrage, boules « Quies »), literie de qualité.
- Couchez vous dès que vous ressentez une certaine fatigue, ne luttez pas contre le sommeil.
- Effectuez une petite activité sportive quotidienne ou à défaut faites quelques étirements musculaires avant de vous coucher.
Ne pas hésiter à consulter le médecin pour bénéficier de somnifères adaptés si cela devient nécessaire. Il existe maintenant des produits bien tolérés et ne provoquant pas de dépendance. La prise de somnifères ponctuelle vaut mieux qu’un virage maniaque qui va nécessiter des traitements lourds pendant plusieurs mois !
- Pas de caféine (café, thé, Coca) 6 heures avant de vous coucher.
- Pas d’alcool 2 heures avant de vous coucher.
L’alcool
La consommation excessive d’alcool est beaucoup plus fréquente chez les bipolaires que dans la population générale. Plusieurs explications à ce que les médecins appellent une « comorbité » (association plus fréquente que la normale de deux maladies) :
- Une hypothèse de prédisposition génétique ou biologique.
- L’habitude prise lors d’épisodes maniaques de consommer excessivement d’alcool.
- La sensation passagère de soulagement psychologique et de levée d’inhibition provoquée par l’alcool lors des phases dépressives.
L’installation d’une dépendance à l’alcool (conduites addictives) vient aggraver les troubles bipolaires, diminuer les facultés du malade à gérer les conséquences de sa maladie, interférer avec les médicaments.
Une alcoolisation excessive ponctuelle peut, à elle seule, déclencher l’apparition d’une phase maniaque.
La tempérance est donc de rigueur sans pour autant nécessiter une abstinence totale s’il n’y a pas de dépendance installée.
Les médicaments et les drogues
Il est bien connu qu’un traitement antidépresseur mal équilibré et mal surveillé peut déclencher un épisode maniaque. C’est d’ailleurs souvent à cette occasion que l’on s’aperçoit que le déprimé était en fait un malade bipolaire. Donc pas de traitement antidépresseur sans indication médicale et sans surveillance attentive (consultations hebdomadaires au début).
Quant aux drogues qui agissent directement et violemment sur la « thymie » (l’humeur), leur nocivité est évidente déjà pour une personne non malade. Les drogues « dures » de type stimulantes (amphétamines, cocaïne, ecstasy…) induisent des épisodes maniaques et peuvent révéler un trouble bipolaire latent (ce qui est également vrai pour les autres pathologies mentales).
Le cannabis et ses dérivés sont également à proscrire chez les bipolaires.
Les activités « stressogènes »
Sous ce néologisme nous regroupons toutes les situations génératrices de stress, d’euphorie excessive, de stimulation thymique forte.
Quelques exemples :
- une fête (noce, banquet, carnaval…) ou l’atmosphère générale est débridée (musique, alcool, foule…) favorise la désinhibition et les comportements audacieux dans lesquels le bipolaire en phase hypomaniaque va exceller. « Quel boute en train ! »
- une réunion de travail où l’on lance de grands projets, des challenges, des objectifs audacieux et pour lesquels le bipolaire en phase maniaque est tout désigné pour les conduire à bien. « Quel cadre dynamique ! »
- une réunion associative à but humanitaire où l’on demande des bonnes volontés pour assumer telle ou telle tache. Le bipolaire sera systématiquement volontaire dans de multiples activités. « Quel dévouement ! »
- un emploi du temps surchargé par de multiples sollicitations sociales, professionnelles, affectives, une absence de « prise de rendez-vous avec soi même ». « Quel homme pressé ! »
Tous ces types de situations favorisent le développement des phases maniaques ou hypomaniaques et « après le feu on récolte la cendre » : la phase dépressive.
Des bipolaires, avec beaucoup d’expérience, arrivent à mettre en place ce qu’ils appellent des clignotants d’alarme. Ils savent que, s’ils se trouvent dans une situation stressogène typique, il y a risque de dérapage s’ils ne respectent pas ces clignotants (temps de parole supérieur aux autres, envie de prendre un deuxième verre de Whisky, permission de minuit dépassée, plus d’un rendez-vous par jour…).
Évidement ces conseils ressemblent fort à une règle monastique et évoquent la morale stoïcienne qui n’est pas dans l’air du temps hédoniste. De nombreux malades ont cependant gagné ainsi, en visant le long terme, une vie plus sereine. Et le monastère vaut mieux que l’hôpital psychiatrique !