Le diagnostic

Les troubles bipolaires touchent environ 1% de la population, mais de nombreux cas restent non diagnostiqués. Faute de l’étape indispensable, et souvent délicate, du diagnostic, les personnes concernées ne peuvent pas bénéficier d’un traitement adapté et se trouvent privées de toute chance d’amélioration, de stabilité, voire de rétablissement. Ce phénomène récurrent mérite des explications :

Tant que les épisodes dépressifs ou maniaques ne sont pas majeurs, les patients ne consultent pas de médecins ou alors seulement pour des symptômes annexes (fatigue, insomnies…). Ils attribuent leur « mal à vivre » à des événements extérieurs ou à un trait de caractère et ne se considèrent pas comme malades. Il importe donc de ne pas sous estimer des symptômes mineurs qui peuvent être des équivalents dépressifs et éviter de minimiser sa souffrance devant le médecin.

La souffrance entraînant une consultation est généralement due à un épisode dépressif sévère. Le diagnostic porté est alors celui de dépression, voir de dépression « récurrente » ou « endogène » si d’autres épisodes antérieurs sont connus du médecin. En fait les épisodes hypomaniaques ou maniaques ne sont pas ressentis comme douloureux sur le moment et ne sont pas vécus comme résultant d’une maladie.

Les retombées familiales, affectives ou socioprofessionnelles des épisodes maniaques engendrent de grandes souffrances morales.

La reconnaissance des épisodes maniaques et leur alternance avec les phases dépressives sont à la base du diagnostic. Il est donc important de prendre conscience que le fait de présenter des dépressions récurrentes, avec des intervalles pendant lesquels on se sent bien, peut correspondre à un trouble bipolaire.

Le plus souvent c’est l’entourage qui pourra vous faire remarquer que, en dehors de vos phases dépressives, vous êtes un « battant » plein d’énergie, d’enthousiasme, mais que vous en faites trop et que vous ne pouvez plus assumer les engagements pris. Il peut vous faire comprendre qu’à certains moments votre comportement devient hors norme, ce qui généralement vous irrite.

Il faut savoir rapporter ces propos au médecin, voir même demander à un de vos proches de venir avec vous lors d’une consultation pour qu’il puisse décrire votre comportement. Cette démarche demande une grande confiance en l’autre et une certaine humilité. Ce qui n’est pas facile lors d’un épisode bipolaire quel qu’il soit.

Le diagnostic de dépression est très souvent mal vécu la première fois et refusé plus ou moins inconsciemment par le patient. À plus forte raison la consultation chez le psychiatre est retardée voir refusée. Il existe encore une image très négative et stigmatisante de la maladie lorsqu’elle est considérée comme relevant de la « folie », concept archaïque mais qui reste très ancré dans la culture populaire, alors qu’elle caractérise des souffrances psychiques et morales particulièrement élevées.

Le psychiatre lui même est souvent perçu non pas comme un médecin spécialiste pouvant soigner et guérir mais comme un intellectuel bizarre et peu bavard qui ne s’occupe que des « fous » et ne sert qu’à vous faire parler.

À partir du moment ou la souffrance devient anormalement élevée, le psychiatre est le médecin spécialisé le mieux à même de prescrire un traitement adapté. Il s’agit d’une étape préalable et indispensable avant de pouvoir envisager une amélioration, suivie d’une stabilisation, voire un rétablissement.  Le rétablissement est un processus long et complexe qui représente un chemin de vie. Ce terme est celui souvent repris vis-à-vis de la perspective heureuse de la meilleure vie possible à l’issue d’un diagnostic de maladie mentale. Le rétablissement est à la maladie psychique ce que la guérison est à la maladie somatique. La dépression n’est pas un manque de volonté touchant les faibles. Ceux qui ont vécu un épisode dépressif le savent bien.